Nous autres, civilisations, savons maintenant que nous sommes mortelles." - ValĂ©ry - Citation - Source: La crise de l'esprit . Chercher Citations ; ThĂšmes & mots-clĂ©s ; Auteurs ; Citation du jour ; Citation de Paul ValĂ©ry - Nous autres, civilisations, savons maintenant que Biographie - Paul ValĂ©ry: Ecrivain, poĂšte et philosophe français. Naissance: 1871 - DĂ©cĂšs Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Ă©crivait Paul ValĂ©ry. En Ă©cho, derniĂšrement, Amin Maalouf sort un livre dont le titre est : Le naufrage des civilisations. Bienheureux le temps oĂč on pouvait encore Ă©crirecivilisationau pluriel. La disparition de l’une n’était pas la disparition des autres. vaguesrĂ©volutionnaires (1917-1922) L’étude a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e dans la sĂ©ance consacrĂ©e au bilan de la guerre (Des sociĂ©tĂ©s bouleversĂ©es par la guerre). 2/ la problĂ©matique retenue et le plan de la sĂ©ance : « Nous autres, civilisations nous savons maintenant que nous sommes mortelles » Paul ValĂ©ry Ă©voque une crise de l’Europe d’aprĂšs guerre, crise qui n’est pas seulement humaine Vousautres, civilisations, savez maintenant que vous ĂȘtes mortelles De la contre-utopie Type de publication: Ouvrage Auteur: Essono Tsimi (Éric) RĂ©sumĂ©: Le titre de cet essai pastiche la fameuse alerte de Paul ValĂ©ry. L’auteur se penche sur l’esthĂ©tisation du dĂ©clin de l’Occident, en partant du postulat de l’invention d’un genre proche mais distinct de la dystopie : la contre Ouvrage Vous autres, civilisations, savez maintenant que vous ĂȘtes mortelles. De la contre-utopie; Pages: 201 Ă  202; Collection: Études de littĂ©rature des xx e et xxi e siĂšcles, n° 96; Autres informations ⼟ ISBN: 6-9; ISSN: 2260-7498; DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10756-9.p.0201; Éditeur: Classiques Garnier; Mise en ligne Nousautres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d’empires coulĂ©s Ă  Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ", Ă©crit ValĂ©ry dans la cĂ©lĂšbre "PremiĂšre Lettre" de "La crise de l'esprit" qui ouvre VariĂ©tĂ© 7. A la mĂȘme Ă©poque en 1919, que pense Gide de notre civilisation occidentale, agonisante aprĂšs la dĂ©liquescence de l'Histoire qui suit la premiĂšre Guerre Mondiale ? Interrogation curieuse : soumettre Ă  Gide Nousautres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Paul ValĂ©ry Citations similaires : Nous autres les hommes, nous autres les Nousautres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles; nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, ♩ Ennemi mortel. Personne qui en hait une autre ou qui en est profondĂ©ment haĂŻe. Chacun y eĂ»t gardĂ© la parole pendant vingt minutes et fĂ»t restĂ© l'ennemi mortel de son antagoniste dans la discussion (Stendhal, Souv. Ă©gotisme, 1832, Surles pas de Paul ValĂ©ry -"nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles"-, RĂ©gis Debray prend la civilisation occidentale comme objet d'Ă©tude. Non pas pour une grande fresque historique et transversale mais pour l'Ă©tude des germes de sa croissance sur la terre d'AmĂ©rique, de ses cousinages et mĂ©tissages avec l'Europe, et de son retour, que certains AIHC5JP. Article Ă©crit par Ni film catastrophe, ni film de science-fiction, Park n’est que le miroir de notre monde Ă  l’abandon. Civilisations mortelles Si la GrĂšce antique est considĂ©rĂ©e Ă  l’unanimitĂ© comme le creuset de la civilisation occidentale, ainsi que le berceau des jeux olympiques, Sofia Exarchou nous offre ici un portrait sans pitiĂ© de sa dĂ©cadence justement Ă  travers les ruines du stade olympique Ă©difiĂ© pour les Jeux de 2004 dans lesquelles errent des jeunes gens dĂ©soeuvrĂ©s et dĂ©sespĂ©rĂ©s et des armĂ©es de chiens famĂ©liques. Ce n’est pas seulement une figure de style, une allĂ©gorie pour mettre en scĂšne un dĂ©sespoir cinĂ©matographique, mais une rĂ©alitĂ© car la GrĂšce a bel et bien Ă©tĂ© ruinĂ©e par les manoeuvres machiavĂ©liques de l’Union europĂ©enne comme l’a si bien montrĂ© le film de Costa-Gavras l’annĂ©e derniĂšre, Adults in the Room 2019. Paul ValĂ©ry l’avait prophĂ©tisĂ© dans La Crise de l’esprit en 1919, au sortir de la PremiĂšre Guerre mondiale, et l’Histoire l’a rĂ©alisĂ© et perfectionnĂ©. En sortant de ce film, nous ne pouvons que penser Ă  sa phrase qui en fait maintenant tout le sel Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » Et mortifĂšres pourrions-nous ajouter en 2020 en raison de la pandĂ©mie, de la misĂšre et de notre absence totale d’avenir. Les ruines du capitalisme Mortelles, nous le sommes. Tout le film ne montre que ça, une jeunesse Ă  la dĂ©rive Ă  qui l’on ne propose rien d’autre que les ruines du capital, que des rĂȘves de plage et de fĂȘtes de pacotilles, avec la chair offerte et mollassonne des touristes de tous les pays, comme si la GrĂšce, ce pays issu d’une si belle civilisation, ne devait se contenter que des restes, et du rĂŽle de bronze-cul d’une Europe maintenant quasiment ruinĂ©e. En choisissant ce dĂ©cor de ruines qui n’ont rien Ă  voir bien sĂ»r avec celles, magnifiques et hiĂ©ratiques, du ParthĂ©non, la rĂ©alisatrice nous donne Ă  voir notre dĂ©chĂ©ance, notre crasse, notre incapacitĂ© Ă  crĂ©er du lien social et Ă  prĂ©server le patrimoine. Ce stade, qui n’a Ă  peine qu’un peu plus de dix ans, est laissĂ© Ă  l’abandon prouvant Ă  la fois la cupiditĂ© du capitalisme et l’inanitĂ© de ces Jeux olympiques qui ne sont plus qu’une infĂąme machine Ă  faire du fric et dont le report Ă  cause de coronavirus cette annĂ©e n’est qu’une avanie supplĂ©mentaire dans un ocĂ©an de mensonges et de malversations. Machine folle vers l’Apocalypse Dans ce dĂ©cor qui sert de cadre Ă  des enfants perdus, on pense bien sĂ»r Ă  Gomorra de Matteo Garrone 2008, mais la mafia en moins mĂȘme si on la sent poindre le bout de son nez comme si l’absence d’avenir ne pouvait que confiner au dĂ©sespoir et surtout Ă  la violence. C’est un film magnifique en certains points, complĂštement dĂ©sespĂ©rĂ©, mais qui offre un portrait impressionniste de notre sociĂ©tĂ©, mĂȘme si on en ressent Ă  chaque plan l’inutilitĂ© tant il crĂšve les yeux que le capitalisme est devenu maintenant une machine folle emballĂ©e vers l’apocalypse. Sofia Exarchou nous tend un miroir hĂ©las trĂšs rĂ©aliste de notre tout proche avenir et s’en explique d’ailleurs d’une maniĂšre parfaitement claire et sans ambiguĂŻtĂ© dans le dossier de presse du film A travers les histoires mĂȘlĂ©es des enfants du Village Olympique, Park tente de brosser le portrait d’une gĂ©nĂ©ration perdue qui a Ă©tĂ© dĂ©robĂ©e de son avenir. Entre les complexes sportifs Ă  l’abandon, les ruines et les nouveaux centres touristiques, le film croise le passĂ© glorieux de la GrĂšce avec sa dĂ©cadence rĂ©cente, peignant une sociĂ©tĂ© qui n’était pas prĂ©parĂ©e Ă  la chute brutale qu’elle a connue. Au cƓur de ces vestiges du passĂ©, le besoin d’appartenance des jeunes est vital et leurs efforts de plus en plus violents et futiles. » Cette Ă©mission a Ă©tĂ© diffusĂ©e pour la premiĂšre fois le 22 septembre 2020. Pendant plus de trente ans, le photographe franco-tchĂšque Josef Koudelka a sillonnĂ© 200 sites archĂ©ologiques du pourtour mĂ©diterranĂ©en, dont il a tirĂ© des centaines de photographies panoramiques en noir et blanc. La BnF expose un ensemble inĂ©dit de 110 tirages exceptionnels intitulĂ© Ruines », rĂ©vĂ©lant toute la force et la beautĂ© du lexique visuel d’un des derniers grands maĂźtres de la photographie moderne. Projet sans Ă©quivalent dans l’histoire de la photographie, la sĂ©rie Ruines est le rĂ©sultat d’un travail personnel au cours duquel Josef Koudelka a parcouru dix-neuf pays pour photographier les hauts lieux de la culture grecque et latine, berceaux de notre civilisation. De la France Ă  la Syrie, en passant par le Maroc, la Sicile, la GrĂšce ou la Turquie, ce sont 110 immenses photographies panoramiques en noir et blanc, jamais montrĂ©es jusqu’ici, qui livrent le regard de Koudelka sur la beautĂ© chaotique des ruines, vestiges de monuments transformĂ©s par le temps, la nature, la main de l’homme et les dĂ©sastres de l’Histoire. Koudelka ne souhaite pas immortaliser les ruines antiques, les figer dans une vision romantique, mais au contraire revenir encore et toujours sur les mĂȘmes lieux pour en enregistrer les Ă©volutions liĂ©es au passage destructeur du temps et des hommes, de la nature qui reprend ses droits. Ces paysages sont une ode aux ruines de la Mare Nostrum et nous interpellent sur la nĂ©cessitĂ© de sauvegarder l’hĂ©ritage de cette civilisation – dont certaines des traces photographiĂ©es par Koudelka ont aujourd’hui disparu, comme Ă  Palmyre. Ce qui l’anime, c’est la recherche de la beautĂ©, une beautĂ© qui Ă  l’instar de celle des ruines antiques, rĂ©siste. L'entretien analyse de la ruine par l'historien Johann ChapoutotPour mieux comprendre les diffĂ©rents enjeux et significations que contiennent les ruines des civilisations passĂ©es, Marie Sorbier fait appel Ă  Johann Chapoutot, professeur d'histoire contemporaine Ă  la Sorbonne, et auteur, entre autres, de l'article Comment meurt un empire, oĂč la ruine est analysĂ©e non plus comme ce qui reste d'une Ă©poque, mais comme le manifeste dĂ©libĂ©rĂ© de ce qu'une civilisation veut faire perdurer d'elle-mĂȘme dans les mĂ©moires historiques. La thĂ©orie de la valeur des ruines ThĂ©orie conçue par Albert Speer, premier architecte du TroisiĂšme Reich Ă  partir de 1933, son idĂ©e centrale selon laquelle un bĂątiment doit se survivre par ses ruines avait grandement sĂ©duit Hitler. "Ce qui intĂ©ressait Hitler, c'Ă©tait non seulement de crĂ©er un empire romain renouvelĂ© avec le TroisiĂšme Reich, mais aussi une mĂ©moire de l'empire aprĂšs la disparition de celui-ci. Il fallait donc que les ruines du Reich ressemblassent Ă  celle de la Rome antique. Le but Ă©tait moins de crĂ©er un Reich effectif que la mythologie du Reich aprĂšs sa disparition. C'est trĂšs intĂ©ressant car cela nous indique toute l'importance de la ruine en Occident et dans la culture occidentale." Johann Chapoutot L'architecture nĂ©oclassique, langue de l'impĂ©rialitĂ© "Quand on veut faire empire, il faut parler la langue de l'impĂ©rialitĂ©. Cette langue, c'est l'architecture nĂ©oclassique, inspirĂ©e de l'architecture grĂ©co-romaine, et c'est aussi la langue des ruines. Le plus grand et prestigieux des empires, l'Empire romain, n'est plus visible et prĂ©sent que par le squelette blanchi de ses ruines." Johann Chapoutot La photographie un nouveau rapport au patrimoine "Prosper MĂ©rimĂ©e disait qu'il y avait plus pĂ©renne que le monument la photographie. La photographie a rĂ©volutionnĂ© notre rapport au patrimoine en permettant d'en fixer la trace, et c'est ce qu'a voulu faire Koudelka. On observe d'ailleurs qu'il est passĂ© du reportage de guerre Ă  la photographie des ruines au dĂ©but des annĂ©es 1990, donc prĂ©cisĂ©ment lorsque l'empire qu'il avait lui-mĂȘme connu, le bloc soviĂ©tique, s'est effondrĂ©. Ce monde-lĂ  disparaissait, et, en quĂȘte de repĂšres, Koudelka s'est mis en quĂȘte de quelque chose de plus pĂ©renne et solide que ce qu'il avait connu." Johann Chapoutot Quelles seraient les ruines du monde contemporain ?"On constate que certains Ă©difice ont Ă©tĂ© construits pour faire date et pour faire trace. Pour ĂȘtre des monuments de notre civilisation dans une visĂ©e mĂ©morielle tout Ă  fait explicite. Mais ce Ă  quoi on peut rĂ©ellement penser pour tĂ©moigner de notre civilisation occidentale, ce sont les bĂątiments les plus solides, ceux faits de pierre. Ce sont les Ă©difices du 19Ăšme siĂšcle et de la mutation urbaine qu'incarnait la deuxiĂšme moitiĂ© de ce siĂšcle. C'est une Europe sĂ»re d'elle-mĂȘme et dominatrice, qui prĂ©tendait incarner la civilisation et coloniser le monde, forte de son commerce, de son industrie, de ses armĂ©es et de sa science. Elle prĂ©tendait Ă  une domination Ă©ternelle, jusqu'au grand effondrement civilisationnel qu'a reprĂ©sentĂ© la PremiĂšre Guerre Mondiale. Guerre mondiale qu'un autre grand amateur de ruines et de monde mĂ©diterranĂ©en, Paul ValĂ©ry, avait dit "Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles". Johann Chapoutot par Paul ValĂ©ry 1871-1945, La Crise de l’esprit 1919 Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d’empires coulĂ©s Ă  pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siĂšcles avec leurs dieux et leurs lois, leurs acadĂ©mies et leurs sciences pures et appliquĂ©es ; avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques. Nous savions bien que toute la terre apparente est faite de cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous apercevions Ă  travers l’épaisseur de l’histoire, les fantĂŽmes d’immenses navires qui furent chargĂ©s de richesse et d’esprit. Nous ne pouvions pas les compter. Mais ces naufrages, aprĂšs tout, n’étaient pas notre affaire. Élam, Ninive, Babylone Ă©taient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence mĂȘme. Mais France, Angleterre, Russie
 ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abĂźme de l’histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la mĂȘme fragilitĂ© qu’une vie. Les circonstances qui enverraient les oeuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les oeuvres de MĂ©nandre ne sont plus du tout inconcevables elles sont dans les journaux. ⁂ Ce n’est pas tout. La brĂ»lante leçon est plus complĂšte encore. Il n’a pas suffi Ă  notre gĂ©nĂ©ration d’apprendre par sa propre expĂ©rience comment les plus belles choses et les plus antiques, et les plus formidables et les mieux ordonnĂ©es sont pĂ©rissables par accident ; elle a vu, dans l’ordre de la pensĂ©e, du sens commun, et du sentiment, se produire des phĂ©nomĂšnes extraordinaires, des rĂ©alisations brusques de paradoxes, des dĂ©ceptions brutales de l’évidence. Je n’en citerai qu’un exemple les grandes vertus des peuples allemands ont engendrĂ© plus de maux que l’oisivetĂ© jamais n’a créé de vices. Nous avons vu, de nos yeux vu, le travail consciencieux, l’instruction la plus solide, la discipline et l’application les plus sĂ©rieuses, adaptĂ©s Ă  d’épouvantables desseins. Tant d’horreurs n’auraient pas Ă©tĂ© possibles sans tant de vertus. Il a fallu, sans doute, beaucoup de science pour tuer tant d’hommes, dissiper tant de biens, anĂ©antir tant de villes en si peu de temps ; mais il a fallu non moins de qualitĂ©s morales. Savoir et Devoir, vous ĂȘtes donc suspects ? ⁂ Ainsi la PersĂ©polis spirituelle n’est pas moins ravagĂ©e que la Suse matĂ©rielle. Tout ne s’est pas perdu, mais tout s’est senti pĂ©rir. Un frisson extraordinaire a couru la moelle de l’Europe. Elle a senti, par tous ses noyaux pensants, qu’elle ne se reconnaissait plus, qu’elle cessait de se ressembler, qu’elle allait perdre conscience — une conscience acquise par des siĂšcles de malheurs supportables, par des milliers d’hommes du premier ordre, par des chances gĂ©ographiques, ethniques, historiques innombrables. Alors, — comme pour une dĂ©fense dĂ©sespĂ©rĂ©e de son ĂȘtre et de son avoir physiologiques, toute sa mĂ©moire lui est revenue confusĂ©ment. Ses grands hommes et ses grands livres lui sont remontĂ©s pĂȘle-mĂȘle. Jamais on n’a tant lu, ni si passionnĂ©ment que pendant la guerre demandez aux libraires. Jamais on n’a tant priĂ©, ni si profondĂ©ment demandez aux prĂȘtres. On a Ă©voquĂ© tous les sauveurs, les fondateurs, les protecteurs, les martyrs, les hĂ©ros, les pĂšres des patries, les saintes hĂ©roĂŻnes, les poĂštes nationaux
 Et dans le mĂȘme dĂ©sordre mental, Ă  l’appel de la mĂȘme angoisse, l’Europe cultivĂ©e a subi la reviviscence rapide de ses innombrables pensĂ©es dogmes, philosophies, idĂ©aux hĂ©tĂ©rogĂšnes ; les trois cents maniĂšres d’expliquer le Monde, les mille et une nuances du christianisme, les deux douzaines de positivismes tout le spectre de la lumiĂšre intellectuelle a Ă©talĂ© ses couleurs incompatibles, Ă©clairant d’une Ă©trange lueur contradictoire l’agonie de l’ñme europĂ©enne. Tandis que les inventeurs cherchaient fiĂ©vreusement dans leurs images, dans les annales des guerres d’autrefois, les moyens de se dĂ©faire des fils de fer barbelĂ©s, de dĂ©jouer les sous-marins ou de paralyser les vols des avions, l’ñme invoquait Ă  la fois toutes les puissances transcendantes, prononçait toutes les incantations qu’elle savait, considĂ©rait sĂ©rieusement les plus bizarres prophĂ©ties ; elle se cherchait des refuges, des indices, des consolations dans le registre entier des souvenirs, des actes antĂ©rieurs, des attitudes ancestrales. Et ce sont lĂ  les produits connus de l’anxiĂ©tĂ©, les entreprises dĂ©sordonnĂ©es du cerveau qui court du rĂ©el au cauchemar et retourne du cauchemar au rĂ©el, affolĂ© comme le rat tombĂ© dans la trappe
 La crise militaire est peut-ĂȘtre finie. La crise Ă©conomique est visible dans toute sa force ; mais la crise intellectuelle, plus subtile, et qui, par sa nature mĂȘme, prend les apparences les plus trompeuses puisqu’elle se passe dans le royaume mĂȘme de la dissimulation, cette crise laisse difficilement saisir son vĂ©ritable point, sa phase. Personne ne peut dire ce qui demain sera mort ou vivant en littĂ©rature, en philosophie, en esthĂ©tique. Nul ne sait encore quelles idĂ©es et quels modes d’expression seront inscrits sur la liste des pertes, quelles nouveautĂ©s seront proclamĂ©es. L’espoir, certes, demeure et chante Ă  demi-voix Et cum vorandi vicerit libidinem Late triumphet imperator spiritus Mais l’espoir n’est que la mĂ©fiance de l’ĂȘtre Ă  l’égard des prĂ©visions prĂ©cises de son esprit. Il suggĂšre que toute conclusion dĂ©favorable Ă  l’ĂȘtre doit ĂȘtre une erreur de son esprit. Les faits, pourtant, sont clairs et impitoyables. Il y a des milliers de jeunes Ă©crivains et de jeunes artistes qui sont morts. Il y a l’illusion perdue d’une culture europĂ©enne et la dĂ©monstration de l’impuissance de la connaissance Ă  sauver quoi que ce soit ; il y a la science, atteinte mortellement dans ses ambitions morales, et comme dĂ©shonorĂ©e par la cruautĂ© de ses applications ; il y a l’idĂ©alisme, difficilement vainqueur, profondĂ©ment meurtri, responsable de ses rĂȘves ; le rĂ©alisme déçu, battu, accablĂ© de crimes et de fautes ; la convoitise et le renoncement Ă©galement bafouĂ©s ; les croyances confondues dans les camps, croix contre croix, croissant contre croissant ; il y a les sceptiques eux-mĂȘmes dĂ©sarçonnĂ©s par des Ă©vĂ©nements si soudains, si violents, si Ă©mouvants, et qui jouent avec nos pensĂ©es comme le chat avec la souris, — les sceptiques perdent leurs doutes, les retrouvent, les reperdent, et ne savent plus se servir des mouvements de leur esprit. L’oscillation du navire a Ă©tĂ© si forte que les lampes les mieux suspendues se sont Ă  la fin renversĂ©es. ⁂ Ce qui donne Ă  la crise de l’esprit sa profondeur et sa gravitĂ©, c’est l’état dans lequel elle a trouvĂ© le patient. Je n’ai ni le temps ni la puissance de dĂ©finir l’état intellectuel de l’Europe en 1914. Et qui oserait tracer un tableau de cet Ă©tat ? Le sujet est immense ; il demande des connaissances de tous les ordres, une information infinie. Lorsqu’il s’agit, d’ailleurs, d’un ensemble aussi complexe, la difficultĂ© de reconstituer le passĂ©, mĂȘme le plus rĂ©cent, est toute comparable Ă  la difficultĂ© de construire l’avenir, mĂȘme le plus proche ; ou plutĂŽt, c’est la mĂȘme difficultĂ©. Le prophĂšte est dans le mĂȘme sac que l’historien. Laissons-les-y. Mais je n’ai besoin maintenant que du souvenir vague et gĂ©nĂ©ral de ce qui se pensait Ă  la veille de la guerre, des recherches qui se poursuivaient, des Ɠuvres qui se publiaient. Si donc je fais abstraction de tout dĂ©tail, et si je me borne Ă  l’impression rapide, et Ă  ce total naturel que donne une perception instantanĂ©e, je ne vois — rien ! — Rien, quoique ce fĂ»t un rien infiniment riche. Les physiciens nous enseignent que dans un four portĂ© Ă  l’incandescence, si notre Ɠil pouvait subsister, il ne verrait — rien. Aucune inĂ©galitĂ© lumineuse ne demeure et ne distingue les points de l’espace. Cette formidable Ă©nergie enfermĂ©e aboutit Ă  l’invisibilitĂ©, Ă  l’égalitĂ© insensible. Or, une Ă©galitĂ© de cette espĂšce n’est autre chose que le dĂ©sordre Ă  l’état parfait. Et de quoi Ă©tait fait ce dĂ©sordre de notre Europe mentale ? — De la libre coexistence dans tous les esprits cultivĂ©s des idĂ©es les plus dissemblables, des principes de vie et de connaissance les plus opposĂ©s. C’est lĂ  ce qui caractĂ©rise une Ă©poque moderne. Je ne dĂ©teste pas de gĂ©nĂ©raliser la notion de moderne, et de donner ce nom Ă  certain mode d’existence, au lieu d’en faire un pur synonyme de contemporain. Il y a dans l’histoire des moments et des lieux oĂč nous pourrions nous introduire, nous modernes, sans troubler excessivement l’harmonie de ces temps-lĂ , et sans y paraĂźtre des objets infiniment curieux, infiniment visibles, des ĂȘtres choquants, dissonants, inassimilables. OĂč notre entrĂ©e ferait le moins de sensation, lĂ  nous sommes presque chez nous. Il est clair que la Rome de Trajan, et que l’Alexandrie des PtolĂ©mĂ©es nous absorberaient plus facilement que bien des localitĂ©s moins reculĂ©es dans le temps, mais plus spĂ©cialisĂ©es dans un seul type de mƓurs et entiĂšrement consacrĂ©es Ă  une seule race, Ă  une seule culture et Ă  un seul systĂšme de vie. Eh bien! l’Europe de 1914 Ă©tait peut-ĂȘtre arrivĂ©e Ă  la limite de ce modernisme. Chaque cerveau d’un certain rang Ă©tait un carrefour pour toutes les races de l’opinion ; tout penseur, une exposition universelle de pensĂ©es. Il y avait des Ɠuvres de l’esprit dont la richesse en contrastes et en impulsions contradictoires faisait penser aux effets d’éclairage insensĂ© des capitales de ce temps-lĂ  les yeux brĂ»lent et s’ennuient
 Combien de matĂ©riaux, combien de travaux, de calculs, de siĂšcles spoliĂ©s, combien de vies hĂ©tĂ©rogĂšnes additionnĂ©es a-t-il fallu pour que ce carnaval fĂ»t possible et fĂ»t intronisĂ© comme forme de la suprĂȘme sagesse et triomphe de l’humanitĂ© ? ⁂ Dans tel livre de cette Ă©poque — et non des plus mĂ©diocres — on trouve, sans aucun effort — une influence des ballets russes, — un peu du style sombre de Pascal, — beaucoup d’impressions du type Goncourt, quelque chose de Nietzsche, — quelque chose de Rimbaud, — certains effets dus Ă  la frĂ©quentation des peintres, et parfois le ton des publications scientifiques, — le tout parfumĂ© d’un je ne sais quoi de britannique difficile Ă  doser !
 Observons, en passant, que dans chacun des composants de cette mixture, on trouverait bien d’autres corps. Inutile de les rechercher ce serait rĂ©pĂ©ter ce que je viens de dire sur le modernisme, et faire toute l’histoire mentale de l’Europe. ⁂ Maintenant, sur une immense terrasse d’Elsinore, qui va de BĂąle Ă  Cologne, qui touche aux sables de Nieuport, aux marais de la Somme, aux craies de Champagne, aux granits d’Alsace, — l’Hamlet europĂ©en regarde des millions de spectres. Mais il est un Hamlet intellectuel. Il mĂ©dite sur la vie et la mort des vĂ©ritĂ©s. Il a pour fantĂŽmes tous les objets de nos controverses ; il a pour remords tous les titres de notre gloire ; il est accablĂ© sous le poids des dĂ©couvertes, des connaissances, incapable de se reprendre Ă  cette activitĂ© illimitĂ©e. Il songe Ă  l’ennui de recommencer le passĂ©, Ă  la folie de vouloir innover toujours. Il chancelle entre les deux abĂźmes, car deux dangers ne cessent de menacer le monde l’ordre et le dĂ©sordre. S’il saisit un crĂąne, c’est un crĂąne illustre. — Whose was it ? — Celui-ci fut Lionardo. Il inventa l’homme volant, mais l’homme volant n’a pas prĂ©cisĂ©ment servi les intentions de l’inventeur nous savons que l’homme volant montĂ© sur son grand cygne il grande uccello sopra del dosso del suo magnio cecero a, de nos jours, d’autres emplois que d’aller prendre de la neige Ă  la cime des monts pour la jeter, pendant les jours de chaleur, sur le pavĂ© des villes
 Et cet autre crĂąne est celui de Leibniz qui rĂȘva de la paix universelle. Et celui-ci fut Kant, Kant qui genuit Hegel, qui genuit Marx, qui genuit
 Hamlet ne sait trop que faire de tous ces crĂąnes. Mais s’il les abandonne !
 Va-t-il cesser d’ĂȘtre lui-mĂȘme ? Son esprit affreusement clairvoyant contemple le passage de la guerre Ă  la paix. Ce passage est plus obscur, plus dangereux que le passage de la paix Ă  la guerre ; tous les peuples en sont troublĂ©s. Et Moi, se dit-il, moi, l’intellect europĂ©en, que vais-je devenir ?
 Et qu’est-ce que la paix ? La paix est peut-ĂȘtre, l’état de choses dans lequel l’hostilitĂ© naturelle des hommes entre eux se manifeste par des crĂ©ations, au lieu de se traduire par des destructions comme fait la guerre. C’est le temps d’une concurrence crĂ©atrice, et de la lutte des productions. Mais Moi, ne suis-je pas fatiguĂ© de produire ? N’ai-je pas Ă©puisĂ© le dĂ©sir des tentatives extrĂȘmes et n’ai-je pas abusĂ© des savants mĂ©langes ? Faut-il laisser de cĂŽtĂ© mes devoirs difficiles et mes ambitions transcendantes ? Dois-je suivre le mouvement et faire comme Polonius, qui dirige maintenant un grand journal ? comme Laertes qui est quelque part dans l’aviation ? comme Rosenkrantz, qui fait je ne sais quoi sous un nom russe ? Adieu, fantĂŽmes ! Le monde n’a plus besoin de vous. Ni de moi. Le monde qui baptise du nom de progrĂšs sa tendance Ă  une prĂ©cision fatale, cherche Ă  unir aux bienfaits de la vie les avantages de la mort. Une certaine confusion rĂšgne encore, mais encore un peu de temps et tout s’éclaircira ; nous verrons enfin apparaĂźtre le miracle d’une sociĂ©tĂ© animale, une parfaite et dĂ©finitive fourmiliĂšre. »

nous autres civilisations nous savons maintenant que nous sommes mortelles